Kurt Vile
Wakin On A Pretty Daze
Matador
Rock
25 - 05 - 13
par Gaspard Turin
La folk, comme le blues, sont dans leurs aspects les plus traditionnels des genres profondément antimodernes: pour perdurer, ils doivent désobéir aux mutations du monde alentour, ne pas évoluer, travailler l’archétype, encore et toujours. En ce qui le concerne, Kurt Vile n’officie pas dans un univers générique aussi stable que cela: en témoigne Was All Talk par exemple, que sa rythmique rapide et métronomique apparenterait presque au krautrock; on entend des percussions synthétiques dans Pure Pain, etc. Mais il est du pouvoir de Vile de faire des folksongs réussies en un tour de main, et en cela il fait partie des Woody Guthrie, Bruce Springsteen ou Neil Young de son époque. Ce dernier nom se rappelle constamment à l’auditeur dans les choix d’arrangements des chansons de Wakin…, notamment dans KV Crimes ou la très belle Shame Chamber. Deux ou trois autres coups d’éclat font de ce disque le très digne successeur de Smoke Ring For My Halo (2011), comme Was All Talk, Snowflakes Are Dancing ou Goldtone. Ce qui change par rapport aux nombreux parrains susmentionnés est probablement l’absence d’un discours social ou politique de premier plan. L’animal est un introverti de première: l’ayant vu chanter tout un concert derrière le rideau de ses cheveux, on pourra très bien le croiser ensuite dans la foule sans le reconnaître. Les paroles révèlent également chez lui une assez grande difficulté à se sentir concerné. C’est un peu dommage, mais ça n’enlève rien à la grande qualité de ce cinquième album.