Sonotone

No Spill Blood + Fang Island

Le Romandie, Lausanne


19.04.2013

par Gaspard Turin

Une chance que la moitié de la rédaction de sonotone.ch ait été là, un peu par hasard, un peu pour autre chose. Là, au Romandie de Lausanne, en train de causer dans une arrière-salle, quand les premières notes de No Spill Blood se sont manifestées. On se bouge vers la scène pour voir qui fait ce raffut. Le cœur battant, parce que c’est un putain de bon raffut, dont on s’approche.

Là, on a d’abord l’impression que les 18 autres spectateurs sont aussi là plus ou moins par hasard. Et au fil du concert, qu’ils auront comme nous l’impression d’assister à un de ces petits moments exceptionnels au terme desquels on se regarde, incrédules d’avoir été si peu à y assister, heureux aussi d’être parmi les happy fews. Ces trois types sur scène envoient comme c’est pas permis. Le batteur Lar Kaye parvient à augmenter, sans se ménager mais avec méthode, la tension de son rythme de manière proprement hallucinante. Et cette formation, au son nettement hardcore, d’une part a remplacé sa guitare par un synthé, d’autre part ne rechigne pas devant des subtilités de composition qui offrend par moments un rendu presque pop (l’excellente Good Company). Ce qui fait qu’on est véritablement face à de l’inédit, quelque part entre Parts & Labors et Death From Above 1979.

De petits problèmes techniques internes (un loop qui ne se lance pas comme il devrait, sur New Tricks) n’empêcheront pas ce concert de décoller, à la surprise des trois intéressés principaux. Qui remercieront vivement leur public, clairsemé mais extrêmement concentré et présent. «Ce n’est pas le nombre qui compte», me dira par la suite le chanteur et bassiste Matt Hedigan encore tout suant de sa performance, «on joue parfois devant très peu de monde, mais quand on sent que notre musique compte pour ces quelques personnes, cela nous force à donner le meilleur, quel que soit le volume de l’applaudimètre!».

Après une telle découverte, la tête d’affiche pouvait faire ce qu’elle voulait, elle ne remplacerait pas sa première partie dans mon cœur. Fang Island a pourtant livré une excellente performance, mais peu à mon goût, du fait de sa trop grande technicité. De fait, les deux guitaristes Jason Bartell et Chris Georges rivalisent (sans doute aussi bien littéralement que pour le spectacle) de virtuosité et de rapidité sur le manche. Et comme toujours dans ces cas-là, mon enthousiasme de music-hall («Mais dis-voir! La scie a coupé la boîte en deux et la fille est toujours vivante!») ne dure que quelques minutes, après quoi il est rapidement remplacé par un ennui poli. Au cours duquel je me surprendrai toutefois à observer avec fascination l’autre grand virtuose de cette formation, le batteur Marc St. Sauveur, qui comme tous les vrais batteurs pros a l’air de ne pas bouger. Tout dans les poignets.

Dommage que ce groupe semble constamment hésiter entre Weezer (le côté power pop), Fanfarlo (les chœurs fédérateurs) et Yngwie Malmsteen (chacun son solo de tapping). Cela donne, au mieux, un avatar des Thermals, muni d’un peu de la profondeur dont ces derniers sont complètement dépourvus; au pire, une sorte de Frank Zappa assagi.

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