Matt Elliott
The Broken Man
Ici, d'ailleurs
Pop
par Valentine Nicollier
Un petit bijou: une expression bien galvaudée, mais à laquelle je tiens pour qualifier The Broken Man, dernier projet solo en date de Matt Elliott. Parce qu’on m’a dit récemment qu’il fallait filer les métaphores, je continue: un travail d’orfèvre – la composition, les arrangements, le mixage – pour tailler et monter ce diamant. Et là encore, c’est assez heureux, car quel objet réunit mais laisse briller individuellement ses parties? Prenez l’inaugural et programmatique Oh How We Fell. Lancé par une guitare aux forts accents flamencos, il glisse vers des sonorités russes, le tout pour un propos des plus mélancoliques, délicatement tempéré par la voix d’Elliott, incroyablement douce, pour déboucher sur un final dramatique, avec chœurs en sourdines et violons qui crissent. Pour un résumé de ce morceau de plus de 10 minutes, il y a le très court Please Please Please. Voilà les facettes d’un album en réalité plutôt austère, principalement animé par un duo voix-guitare accompagné ci et là de violons, de clarinette, et d’un piano que ne renierait pas Gonzales lorsqu’il écoutait Satie (If Anyone Tells Me “It’s Better To Have Loved And Lost Than To Never Have Loved At All” I Will Stab Them In The Face). La musique d’Elliott est d’ailleurs référencée, de musiques populaires andalouse, russe, mais aussi par Léonard Cohen (Dust Flesh And Bones, This Is For). Les compositions peuvent friser la grandiloquence, mais la voix du natif de Bristol – c’est important, ceux de là-bas savent quoi faire des humeurs brumeuse – parvient à les humaniser. Oui, un petit bijou: beau, mais sans doute un peu trop sage – c’est aussi ce qu’on peut penser des diamants.