Sonotone

Chad VanGaalen

"Ecrire des chansons, c'est capturer un moment étrange et honnête"

par Gaspard Turin

Quelques temps avant son magnifique concert au Romandie, le grand Canadien s’est prêté au jeu de l’interview. Retour sur son écriture compulsive, son mal du pays, le rock des années 1990 et les appareils à transformer les rêves en chansons.

Tes disques, leurs pochettes, les clips de tes chansons: tu fais tout toi-même. C’est important, cette solitude?

C’est très important. Comme je travaille très vite, il y a beaucoup d’improvisation. Si je devais collaborer avec d’autres gens, ça me prendrait dix fois plus de temps d’une part, d’autre part ça tuerait la magie du moment. En plus, je suis très timide quand je suis dans une phase de création.

 

Au moment de sortir Diaper Island, tu avais écrit deux autres albums parmi lesquels ton label a choisi celui-ci. Comment parviens-tu à être aussi prolifique ? Et comment écris-tu tes chansons?

En fait les deux autres disques étaient horribles! Ce qui prouve qu’il y a beaucoup de déchet dans ce que j’écris. C’est le mauvais côté de cette solitude: je manque de recul par rapport à mes chansons. Et je les écris de manière très organique; il s’agit de capturer un moment étrange et honnête, plutôt que d’organiser une idée et d’y réfléchir au point que l’instant passe et perde tout intérêt.

 

Tu as dit dans une interview récente que tu aimais le silence plus que la musique. Ça n’est pas en contradiction avec cette compulsion d’écriture?

Oui, je me contredis beaucoup, ça me semble naturel. En fait, je trouve la contradiction capitale! Et j’apprécie le silence parce que c’est de là que les choses peuvent naître. Et quand je parle de silence, il ne s’agit pas vraiment d’absence de son, mais plus de tranquillité, ou de flou, ou encore de bruit de fond.

 

Tu es actuellement en tournée. Comment ça se passe?

Je n’aime pas partir en tournée trop longtemps, parce que j’ai une magnifique famille et qu’elle me manque. Et quant à jouer devant des gens, mes sentiments sont contradictoires. Mais ma préférence va aux petites salles.

 

Ta musique contient de nombreuses références aux années 90, comme Pavement, mais aussi à des artistes plus directement contemporains, comme Deerhunter. Où te situerais-tu, dans le temps?

Plutôt du côté Pavement. C’est de là que me vient mon inspiration…

 

Crois-tu que le meilleur de notre époque réside dans un regard sur le passé?

Il me semble que de nos jours, l’abondance des choses crée un encombrement du regard. C’est difficile de voir loin, de se faire un horizon. L’intérêt pour la musique du passé est grand, c’est vrai, mais je pense que cet intérêt se traduit par un mouvement d’avancée aussi bien que de recul. Peut-être que ce qui définit notre époque, c’est que tout le monde est aujourd’hui un musicien ou un artiste, ce qui revient à dire que personne ne l’est, ce qui n’est ni bon, ni mauvais!

 

Qu’est-ce que notre époque peut encore nous amener qui n’ait pas été fait?

On pourrait imaginer un appareil d’enregistrement des rêves, de manière à nous permettre d’imaginer des compositions plus fortes, directement et immédiatement... Pourquoi pas?

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