Goldfrapp
Tales Of Us
Mute
Pop
20 - 09 - 13
par Gaspard Turin
Ça n’est pas comme si Goldfrapp, entre 2001 et 2013, nous avait laissés complètement indifférents. Il y a eu Strict Machine, Satin Chic et quelques autres bonnes chansons. Mais quel plaisir de retrouver la voix d’Allison Goldfrapp, feutrée et subtile, de la période Felt Mountain (2000)! C’est comme si une vieille amie sortait du coma. La production s’est allégée, les beats ont laissé la place à des arrangements de claviers, de cordes frottées et pincées, à des mélodies épidermiques, sur quoi tout tient comme par miracle. La plupart des chansons portent ici de simples prénoms, et chacune d’entre elles ont la profondeur de petites biographies, de petites mythologies hors du temps. Leur texture lissée les apparente à des portraits préraphaélites, comme si derrière ces Annabel, Jo, Simone se découpaient autant d’Ophélies, de Beatrix, de Dames du Lac ne se dévoilant un instant que pour s’envelopper de plus de mystère encore. Alvar, de sa démarche altière, ressuscite Brel et Scott Walker le temps d’une valse éthérée. La menaçante Thea s’avance d’un pas lourd à travers des sous-bois pourpres et dorés, comme la sœur incestueuse des poèmes de Trakl. Je charge un peu le tableau, sans doute, mais on ne pourra entrer dans ce disque (et le lire comme ce qu’il est peut-être: le meilleur album de Goldfrapp) qu’à cette condition, de croyance un peu superstitieuse. Il faut prendre Tales Of Us comme un recueil de légendes inquiétantes, c’est-à-dire au sérieux, lorsqu’on voyage au travers.