These New Puritans / Tim Hecker
Heartland Festival, Métropole / Le Romandie, Lausanne
11.11.2013
par Valentine Nicollier
Cette chronique est estampillée Heartland, festival canado-veveysan à l’excellente programmation, qui s’est tenu à Lausanne entre le 23 et le 28 septembre. Au retour du concert des cools These New Puritans (Métropole, 25 septembre), une question nous taraudait, mon pote Vincent et moi: comment, en déployant autant de musiciens différents, dont deux batteurs, une choriste et un chanteur remuant, un groupe pouvait finalement échouer à incarner sa musique. On a listé une série de raisons à ce ratage, un mauvais son, un dispositif de scène maladroit (voire ridicule) qui maintenait le trio rock originel dans une distance polie, mais ferme, d’avec les musiciens invités, dont la gêne laissait croire qu’ils sortaient directement d’un chœur catholique irlandais et un chanteur à la voix très, très en-deçà de ses prétentions. Beaucoup de monde donc, pour un résultat souvent assez proche du bruit.
Trois soirs plus tard, en sortant cette fois du concert du pas cool Tim Hecker, je sais que le flop des New Puritans n’a pas seulement à voir avec le ratage d’une recette dont tous les ingrédients étaient pourtant réunis. La Canadien affectionne une mise en scène particulièrement sobre: il se tient tout seul derrière ses machines – rien de bien exceptionnel jusque-là pour un musicien électronique –, officie dans le noir, à l’exception d’une petite bougie. Il est 18h, il fait beau, c’est un peu incongru, en plus le monsieur est maître du drône et des nappes, des vices de fin de soirée. En réalité je me réjouissais, et bien m’en a pris. Tim Hecker, en se refusant à incarner lui-même sa musique à coup de gesticulations, lui a précisément permis de prendre corps, c’est-à-dire d’acquérir de l’épaisseur, du poids, de la densité. Supprimer la vue aiguise l’ouïe mais pas seulement, ça rend l’auditeur étrangement disponible au son et à sa masse, moulée très exactement dans l’espace du Romandie, de la voûte au sol, et avec laquelle il doit cohabiter. Hecker, qui joue avec les effets de son dispositif, a modulé intelligemment une setlist qui joue d’abord sur les aigus pour s’enfoncer ensuite dans les basses, froissant d’abord nos cheveux pour s’attaquer ensuite à nos pantalons: Piano Drop, In the Air I, II et III, Chimeras, Bordelands et Sketch I. On reste sans bouger, aux aguets; pourtant on sort rompus de la collision avec la matière sonore.