Sonotone

Spain a comme anagramme Sapin, et semblait en avoir l'odeur également, n'ayant rien sorti en plus de dix ans. Mais non, ils sont toujours là, ils n’ont pas bougé d’un quart de branche. Josh Haden a eu beau débarquer tout son personnel entre I Believe (2001) et ce nouveau disque, la planète Spain continue de tourner lentement, au rythme lent des ballades gospel-rock qui ont fait sa réputation. Dans cet esprit, on appréciera grandement la collection de titres splendides qui s’enchaînent ici, de Only One à Falling, avec parfois des montées de puissance (Miracle Man). Et cette prosodie si caractéristique de Haden, qui met parfois de longues minutes à finir sa phrase – genre «I, … I love, … I, … I, … loove … … … you». Ce qui peut paraître ridicule, mais qui constitue en fait l’architecture profonde de ces chansons, élégantes et mystiques, solennelles comme une procession. Alors bien sûr, sortir un tel disque aujourd’hui peut faire figure d’anachronisme, faisant replonger son auditeur au mitan des années 1990 et des riches heures de Low, de Tindersticks, du Nick Cave de Murder Ballads (1996). A l’instar de ces formations pourtant, on objectera l’intemporalité de leurs productions de l’époque, qu’on réécoute toujours avec un plaisir intense. Il en est de même pour Spain, tortue musicale à la carapace chatoyante, que l’on préférera aux dizaines de lièvres pelés qui couratent quelques instants dans notre champ de vision mais disparaissent tout aussi vite (derrière d’impérissables épicéas).