Sonotone

Yelawolf

"Dieu m'a donné un talent"

par Vincent Bürgy

A notre entrée dans les dortoirs de la Reitschule, Yelawolf décolle de son siège et plie en vitesse sa valise, sans doute pour nous éviter la vue de ses dessous et préserver sa réputation de gros dur. Car, malgré sa tignasse grasse et la relique qui lui tient lieu de t-shirt, que l’on ne s’y trompe pas, Michael Wayne Atha est un coquet. Du genre à ne pas vouloir se défaire de ses grosses binocles réfléchissantes pour la photo de portrait ou à geindre quand on lui demande d'exhiber ses tatouages. Le tout sous le regard bovin de son manager, Brooklyn. Ça ne s’invente pas.

Photos par Laura Morales

La musique: une gageure pour Yelawolf, issu du terroir américain, transbahuté durant sa jeunesse entre l’Alabama, le Tennessee ou la Géorgie. C’est à l’adolescence, sans doute pour emmerder son vieux qui le voit déjà sous les drapeaux, que le gosse se paie sa première planche. Plutôt doué skateboard au pied, Yelawolf est aux portes du monde professionnel lorsqu'il se fracasse. Coup de pot pour lui, il est encore meilleur lorsqu'il s'agit de postillonner dans un micro. Grosses bagnoles, soirées arrosées, histoires de bouseux ou emmerdes de jeunesse: le frais trentenaire a trouvé son fond de commerce. Jouissant d'un flow imparable et musclé, à mi-chemin entre Asher Roth) et Eminem, Yelawolf touche le pactole en 2011, lorsqu'il signe dans l'écurie de ce dernier, Shady Records. Fin 2011 sort son premier album, Radioactive. Un disque proprement produit, où se mouillent son mentor Eminem, Kid Rock ou Gangsta Boo, que le rappeur américain a présenté, le 10 mai dernier, à Berne. Interview canapé avec Yelawolf, dans un joyeux mâchouillis de mots teintés d'argot. Yo?

Tu as pas l'air vraiment en forme, c'est la fatigue ou les joints?

Je suis toujours comme ça, avant de monter sur scène…

Les gens du sud sont-ils tous aussi détendus?

Tu sais, je bosse vraiment dur et après je me laisse aller, comme il faut. En fait, je suis une personne vraiment calme, pas un excité.

Rassure-moi, sur scène, tu es un peu plus énergique?

C'est clair. Avant de commencer mes concerts, je tourne un bouton dans ma tête (il mime) et après j'y vais. Cela étonne souvent les gens de me voir pareillement tranquille, mais je ne peux pas être toujours ainsi, sinon je finirai complètement barge.

Tu es coutumier des trucs un peu fous sur scène?

Il faut que cela vienne naturellement. Je ne fais jamais de plans pour ce genre de chose et je n'y réfléchis pas avant de monter sur scène.

Est-ce que tu ressens de bonnes ondes, ici, à Berne?

La ville me plaît énormément. Regarde, la météo est incroyable. C'est le plus beau jour qu'on a eu depuis le début de la tournée. Alors j'en ai profité pour me promener dans la ville, c'est très propre. L'ambiance me plait bien. Le truc vraiment marrant, c'est que les seuls graffitis que j'ai aperçus dans le coin, c'est sur ce bâtiment. Comme si on avait dit aux gens: vous n'avez rien le droit de faire en dehors d'ici.

C'est cliché...

Absolument pas, on ne m'avait jamais rien dit à ce sujet. Je me suis rendu compte que c'était très propre, juste en déambulant dans la ville.

Tu as rejoint la salle en skate, tu n'as donc pas totalement laissé tomber ta première passion?

Depuis ma blessure, je n'ai fait sérieusement du skate qu’une seule fois. Là, je ne fais rien de dur, juste quelques tours seul.

Aucun garde du corps ne t'accompagne?

Non, pas ici. Pour ma dernière tournée, aux Etats-Unis, j'ai dû engager une protection rapprochée, depuis ma rupture de la rate, car je ne veux plus prendre aucun risque. Je n'ai pas envie que des mecs me serrent trop ou me cassent les côtes. Je dois faire gaffe, parce que c'était vraiment sérieux.

Justement, depuis ta signature chez Shady Records, tu es devenue une star et tes concerts s'arrachent...

C'est sûr, mais je continue de grandir. La plus grosse salle que j'aie faite pour l'instant, comme tête d’affiche, a fait 2800 entrées, en Géorgie. Ce qui m'a surtout fait connaître, c'est le freestyle rap ou "cypher" que j'ai fait avec Eminem, qui a été diffusé à la télévision. Ce qui prouve bien que la télé a encore un sacré pouvoir, surtout aux USA. Ma vie a aussi passablement changé depuis ce contrat, mais tu dois continuer à bosser et tu dois prouver que tu le vaux.

Et la Lamborghini, avec laquelle tu t'affiches dans le clip de Daddy's Lambo, tu as fini par te la payer? D’ailleurs, as-tu touché de l'argent de Lamborghini à cette occasion?

Mec, tu n'y es pas du tout. Je ne suis pas riche. Peut-être qu'un jour, j'aurai une Lambo, mais pour cela, je vais devoir travailler encore un moment.

Quel a été l'accueil pour ton premier album, Radioactive?

Aucune idée. Je ne lis pas les blogs et les critiques. Lorsque j'ai sorti ma mixtape, Trunk Music, j'ai fait l'erreur de m'intéresser à ce que pouvaient en dire les gens. Cela m'a foutu mal et je ne l'ai plus jamais fait. Les encouragement passent toujours bien, mais une critique assassine fait autant de dégâts qu'une centaine de compliments.

Les critiques te blessent?

Oui, je suis humain. J'ai pas envie de savoir que je me fais défoncer par des gens que je ne connais même pas. Dieu m'a donné un talent et grâce à lui, j'arrive à nourrir ma famille. Je fais ce que j'aime, j'ai un contrat avec Shady Records et les concerts sont toujours plus gros: c'est tout ce que j'ai besoin de savoir. Moi, je pense à la suite.

Tu as un contentieux avec les journalistes?

Ils font leur job, même s'il y a quelques cons dans le lot. De toute manière, je n'attends pas que chacun aime ma musique. Cela serait stupide. Et même moi, je n'aime pas certains styles de musique…

La suite de ta carrière, comment tu l'imagines?

Je veux progresser, pas matériellement, en ayant plus de fringues ou d'autres trucs du genre, mais en faisant toujours plus de musique, pour atteindre plus de personnes et aussi davantage voyager. Mon but, c'est juste d'être parmi les meilleurs.

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