Sonotone

Morrissey

Hollywood High School


02.03.2013

par Simon Pinkas

Ces derniers temps, Morrissey s’est plus distingué par une ribambelle de controverses que par sa musique. Qu’il s’agisse d’annulations de concerts en chaîne (pour des raisons médicales), de commentaires sur les sacs de Beyoncé ou sur le mariage, on ne nous traitera pas de mauvaise langue si l’on osait chuchoter que le Mancunien avait quelque peu perdu la raison – bien que cela impliquerait qu’il en ait une à perdre.

Une semaine avant son concert sold-out au Staples center de Los Angeles (qui a d’ailleurs fait en sorte que ses McDos ferment leurs portes sur l’ordre du Moz), j’ai eu vent d’une date pour le moins alléchante: Morrissey allait se produire dans l’auditorium du Hollywood high-school, capacité: 1000 personnes. Par la grâce de ma connexion internet ultra-rapide, j’ai réussi à me procurer l’un des billets qui se sont arrachés en 7 secondes.

J’aime beaucoup les Smiths et Morrissey, mais je suis loin d’être l’un de ces fans irréductibles, qui furent nombreux et surexcités, comme vous pouvez l’imaginer. Sur place, je me suis retrouvé au bout d’une queue que certains cinglés avaient déjà rejoint le soir précédent, probablement à la sortie du concert de la veille. A ma grande surprise, je n’étais cependant pas entouré d’un public aussi «blanc» que sa musique, mais par une horde de latinos à mèche, certains arborant même des tatouages à effigie de leur idole. Je me suis donc frotté à l’un des cultes pop les plus improbables: L’inexplicable obsession des jeunes latinos de Los Angeles pour Morrissey: «A East L.A, Ricky Martin fait office de punchline et Morrissey de dieu », disait l’essayiste Chuck Klosterman.

Après deux heures de queue, j’ai enfin pu entrer dans l’auditorium, qui high-school oblige, était dépourvu de bière. L’absence de mon breuvage favori m’aurait habituellement fait prendre mes jambes à mon cou, réflexe que j’ai évité pour une fois, par peur de me faire assassiner par la foule d’ultras sans billets campant bredouille devant l’entrée.

Parlons un peu du set. Car si les mozeux lui auraient pardonné tout et n’importe quoi, quant à moi on me forçait à être sobre et donc, forcément, plus sévère... Après une (trop) longue introduction par Russell Brand, que je soupçonne d’ailleurs d’avoir été le seul Anglais dans le public, le sauveur lover arrive sur scène, ouvrant les festivités avec le très approprié Alma Matters, suscitant des hurlements avec lesquels seuls Justin Bieber et le retour du Christ pourraient rivaliser.

Même un sourd n’aurait pas confondu la voix du chanteur des Smiths avec celle de quelqu’un d’autre, et ce soir, elle a atteint des sommets. Le groupe fut un peu bancal durant les premiers morceaux, mais prendra ses aises dès You Have Killed Me, un hymne de regrets et de rancœurs, qui sera présenté par l’artiste déclarant: «You never, ever, ever, ever, escape from school...It crushes and crushes and crushes you down... well it did me anyway».

Un autre point fort fut le prévisible mais poignant Meat Is Murder, un morceau dont l’absence de second degré est, et c’est bien rare, un atout. Cette tendance à dramatiser, bien qu’elle soit très évidente lorsqu’il s’agit d’animaux, est toujours présente chez Morrissey, et c’est peut-être ce qui fait de lui un tel objet de culte. Si ce n’était pour sa plume, les thèmes qu’il aborde le feraient plus passer pour un bouffon que pour Pagliacci.

Le set fut un mélange de classiques des Smiths (Still Ill, That Joke Isnt’ Funny Anymore) et de perles solo (You’re The One for Me, Fatty, Everyday Is Like Sunday, Action Is My Middle Name...), dans un format «best-of» qui, s’il ne s’agissait de ce contexte particulier, m’aurait un laissé un peu sur ma faim... Mais au-delà de la musique, qui fut loin d’être mauvaise, j’ai été particulièrement touché par la relation de dévouement total entre fan et artiste. Une réciprocité que ce concert a parfaitement illustrée. Pour une fois, l’hystérie était peut-être appropriée, pour la simple et bonne raison que nous étions, en effet, privilégiés. La proportion entre le culte de l’artiste et l’intimité de la salle dépassait tout ce que j’avais eu l’occasion de voir par le passé, et j’ai eu l’impression inhabituelle, en entendant une phrase telle que «… please remember, I love you», qu’elle venait du cœur.

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