Sonotone

Pop. 1280

"On est encore traumatisés"

par Sophie Morceau

Il y a quelques semaines, le Bourg de Lausanne recevait les New-Yorkais signés chez Sacred Bones. Sonotone les a rencontrés pour leur poser deux ou trois questions et tirer au clair cette vaste blague qui veut que le groupe se décrive comme cyberpunk. On ne vous cache pas que ça a été une des interviews les plus étranges de notre existence, la faute à la poisse et à leur estomac contrarié.

Sonotone: Vous êtes au milieu de votre tournée, comment ça se passe?

Chris Bug: bien à vrai dire, si ce n’est qu’on a cassé notre clavier en arrivant cet après-midi, heureusement on a pu en trouver un pour pas cher, qu’on va pouvoir bousiller à nouveau.

S: Votre nom est aussi le titre d’un roman de Jim Thompson. Pourquoi avez-vous choisi celui-ci en particulier?

CB: Arf, à l’époque on appréciait vraiment les thèmes de ce roman, mais ça fait déjà cinq ans, depuis le temps, le sens en a été évacué, ce n’est plus qu’un symbole. Il n’y a pas d’anecdote particulière, ni de private joke, c’est juste qu’au moment où on cherchait un nom, on aimait vraiment bien le bouquin.

S: Vous avez vu le film?

CB: Le film français? Oui, et il est vraiment merdique, non? C’est ce truc par Tavernier. Il n’est pas terrible.

S: Votre nouvel album a été mixé par Martin Bisi. Comment c’était?

CB: Il a fait tant de choses différentes, travaillé sur tellement d’enregistrements et ça fait tellement longtemps qu’il travaille, qu’il était en mesure de nous suggérer un million de choses, de nous faire tout le temps des propositions qui allaient dans notre sens.

Allegra Sauvage: Il a tout de suite adopté une position créatrice et il s’est beaucoup investi en termes de production. En plus, il avait des idées très précises sur la formation de notre son sur cet album. C’était d’ailleurs assez incroyable à voir, on a beaucoup aimé travailler avec lui. C’est devenu un ami, depuis, on traîne un peu ensemble. Il vient voir nos concerts. Il ne boit pas d’eau, jamais, il ne boit que du café, ne mange que de la pizza et ne va JAMAIS aux toilettes.

Ivan Lip: On mentionne ça parce qu’on est encore traumatisés, on se faisait des journées de 9 heures et le type ne bougeait pas, pas même pour aller aux toilettes. Il restait là, à sa console, en mangeant de la pizza et en buvant du café.

S: La façon de Martin Bisi de placer les micros, notamment les micros dans la pièce, est très réputée, est-ce que c’est quelque chose auquel vous avez eu recours pendant l’enregistrement?

CB: Totalement vrai, on a plutôt l’habitude d’avoir bêtement des micros sur les instruments, mais comme son studio est immense, avec de très hauts plafonds - c’est un ancien entrepôt, je crois – et qu’il en connaît l’acoustique comme le dos de sa main, il joue beaucoup avec ça. C’est la raison pour laquelle on avait quelque chose comme quatre micros dans la pièce où on enregistrait la guitare. Le studio est si grand qu’il peut exploiter l’espace en le maîtrisant.

AS: Ce n’est pas un type qui t’enferme, qui te dit «Vous ne sortirez pas d’ici tant que vous n’aurez pas fait ceci ou cela», mais il bosse tellement que tu ne peux pas lui dire non. On avait des journées de dix, onze heures, on tombait de sommeil et Martin ne s’arrêtait même pas, il fallait lui dire, non là on arrête. Donc il n’a même pas besoin de te motiver, c’est simplement sa façon de rester concentré qui nous a forcés à travailler plus dur. Accessoirement, c’était génial qu’il soit prêt à s’investir autant.

S: Est-ce qu’il s’est investi dans le processus de création de l’album aussi?

CB: Non, pas directement, il ne nous a rien demandé de changer, par contre pour quatre chansons, dont deux sont sur l’album, on est arrivés au studio avec seulement des fragments qu’il nous a aidé à assembler pour que ça ressemble à quelque chose. Comme on avait une idée en tête, il ne nous a pas vraiment aidé à composer, mais plutôt à trouver les moyens techniques pour le faire, parce qu’on ne savait pas comment obtenir certains sons avec des machines, ou quelles machines utiliser, on est assez mauvais pour la programmation.

S: Qu’en est-il de votre rapport avec votre label? Est-ce qu’ils ont leur mot à dire?

CB: Liberté absolue, on leur amène nos disques finis. On a démarré avec eux parce que c’est les seuls qui nous ont répondu après la sortie de notre EP. Ils nous ont répondu six mois après notre email, mais ils nous ont répondu, eux, avant de s’installer pas très loin de chez nous.

S: Qu’en est-il de cette histoire de cyberpunk, c’est une vaste blague non?

CB: C’est vraiment juste une blague, c’est complètement absurde, ça ne nous correspond pas, mais on trouvait ça drôle sur le moment. On fait plein de trucs absurde parce qu’on trouve ça drôle. Le cyberpunk, c’est cool, mais ce qu’on fait ne ressemble pas vraiment à ça. On aime bien les hackers, mais on n’aime pas vraiment la technologie, ou plutôt si, mais on ne veut pas qu’elle soit utilisée pour contrôler les gens. Peut-être qu’on pourrait devenir des hackers, on n’est pas encore complètement décidés. On ne sait pas copier et coller des boucles de beats, mais on pourrait totalement devenir des hackers! On n’est pas particulièrement intéressés par le transhumanisme etc. mais s’il faut nommer quelque chose qui nous intéresse dans cette thématique, ce serait peut-être la singularité. Ce qui nous interpelle, c’est la façon dont la technologie est utilisée à l’encontre des humains. Genre ces problématiques soulevées par les histoires Snowden, Manning, Wikileaks etc.

S: Un mot sur le style de votre album? Quels mots-clés vous avez donné à Bisi pour travailler?

CB: Cyberpunk! Je ne me souviens pas exactement, mais on voulait un truc plus punk, plus dense, notre album précédent, The Horror (2012) était plus épars, avec un mur de son mais pas grand-chose d’autre. Ici on voulait vraiment mieux maîtriser ce qui se passait dans chaque son, individuellement, et que la construction des chansons soit plus variée que sur The Horror. Il y a plus de sons différents, plus de synthé, pas toujours les mêmes machins de notre vieille boîte à rythmes. On voulait mieux valoriser la composition, je crois que c’est assez réussi.

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