Contrairement à de nombreux festivals bière et saucisse-frites-moutarde, pour qui la scène suisse semble se résumer à Sophie Hunger et Solange la Frange, voire Bastian Baker, Paléo a fait un vrai travail de défrichage, sérieux et consciencieux, arpentant premières parties et vernissages dans tout ce que la Suisse romande compte en termes de gargotes, clubs et buvettes. Le résultat de ce travail acharné, après quelques éditions ? Un public fidélisé, qui sait qu’il retrouvera sur la scène du Détour quelques-unes des meilleures surprises entendues en club, la crème de la scène suisse, sélectionnée et cultivée avec soin tout au long de l’année. L’annonce de la fusion entre les scènes du Détour et du Club Tent a bien fait hausser quelques sourcils, mais c’est en fait une excellente décision, parce qu’enfin les groupes suisses ne sont plus relégués au fond du terrain. Paléo a eu le cran de défendre tout haut ce qu’il avait amorcé: défendre une scène suisse décomplexée, qui ne s’excuse plus de chanter. Désormais, toutes les scènes (ou presque) présentent des groupes suisses et des groupes internationaux, et les groupes locaux jouent avant ou après les coqueluches du moment et les artistes légendaires.

Certes, aucun artiste suisse ne se hasarde encore sur la grande scène en prime time, mais en lieu et place du ghetto de la-scène-réservée-aux-groupes-suisses-que-les-gens-snobent-souvent, Paléo a réussi le tour de force de disséminer ça et là des formations plus ou moins confirmées, permettant à la fois une meilleure intégration de la musique suisse dans sa programmation et une meilleure représentation de la diversité de la scène suisse. Ce ne serait pas rendre justice au travail qui est fait par les musiciens, clubs, journalistes, organismes de soutien tout au long de l’année que d’en attribuer le seul mérite au festival nyonnais, mais force est de reconnaître que les rendez-vous de la scène suisse avec le grand public sont souvent manqués et que Paléo, en termes de public, ratisse large. Et là, on se prend à rêver d’une grande scène peuplée de Honey For Petzi, de Mama Rosin, de Navel, Nick Porsche et autres Fai Baba, ou encore d’un village du monde américain, laissant les suisses se tailler la part du lion, qui sait?

On a profité de ce dossier pour poser trois questions à une petite sélection d’artistes locaux, et on y a ajouté quelques prévisions pour que vous ne ratiez pas tout ce que la scène suisse a de meilleur. Passez un bel été, tous autant que vous êtes!

BOMBERS – amoureux du clavier vintage. Moitié noise, moitié kraut, Bombers sait manier le chaud et le froid, construit de façon complexe, mais joué avec une nonchalance inégalable. ME 24.07 – 20:00 – CLUB TENT

Trois questions à Christian Pahud: Paléo représente-t-il quelque chose pour vous, si oui depuis quand? (citez un concert si vous le pouvez)

Les trois membres de Bombers ont déjà joué à Paléo par le passé (initialement créé pour le festival Impetus 2012, Bombers regroupe des membres de Honey For Petzi, Larytta et Brazen, ndlr.), donc on a un rapport particulier à ce festival. En tant que public, je me souviens d'un groupe français que j'ai découvert l'année passée, Mazalda. Un concert génial.

De quel artiste vous sentez-vous le plus proche, dans la programmation de cette année?

Eh bien disons que la programmation de la scène sur laquelle nous jouons, le mercredi, nous a frappé par sa cohérence. Les choix ont été fait judicieusement (la scène Club Tent avec Merz, BRNS et Beware Of Darkness, ndlr.). Sinon, le concert que je ne manquerai pour rien au monde cette année, c'est Neil Young!

Avez-vous la sensation qu'une scène suisse existe et vous considérez-vous comme en en faisant partie?

Non, je ne pense pas qu'il y ait une scène suisse ou même locale. Il y a peut-être une scène administrative, par contre... Pour nous, les relations se font de manière amicale, on a des contacts dans notre région mais comme n'importe quel groupe ou entreprise, finalement.

THE ANIMEN – garage surf rock fendard. Pour le surf-rock, il faut impérativement un beau soleil qui tape, histoire de porter la chemise hawaïenne et la petite robe à pois, un brin rétro, mais toujours d’actualité. SA 27.07.2013 – 16:00 – CLUB TENT

Paléo représente-t-il quelque chose pour vous, si oui depuis quand? (citez un concert s'il y en a un qui vous a marqué)

En tant que romands, Paléo a toujours été un gros événement, pouvoir y participer est une vraie forme de reconnaissance.

De quel artiste vous sentez-vous le plus proche, dans la programmation de cette année?

Nous sommes tous en train de compter les jours qui nous séparent du concert de Neil Young. Nous sommes aussi impatients de voir les Two Gallants en live.

Avez-vous la sensation qu'une scène suisse existe et considérez-vous que vous en faites partie?

La scène suisse est riche en talent, malheureusement il y a un manque cruel de lieux de concert.

MAMA ROSIN – rock’n’roll cajun échevelé. Un soleil radieux pour un groupe dont la bonne humeur est communicative, qui devrait dérider même les plus boudeurs d’entre vous. Le prestigieux Guardian en est fan, nous aussi. MA 23.07.13 – 17:30 – LES ARCHES

Paléo représente-t-il quelque chose pour vous, si oui depuis quand? (citez un concert si vous le pouvez)

Quand Noir Désir a remplacé Cranberries au pied levé.

De quel artiste vous sentez-vous le plus proche, dans la programmation de cette année?

Neil Young, Two Gallants, Nick Porsche et Bombers

Avez-vous la sensation qu'une scène suisse existe et vous considérez-vous comme en en faisant partie?

Oui et non, la scène suisse, pas celle qu'on croit. L'excellente scène underground, si peu représentée dans les gros festivals et pourtant si vivante en dedans et dehors de nos frontières.

CHIEF – beatmaking sensuel. Mi-soleil, mi-pluie, Chief est à la croisée des chemins, entre hip-hop et électro, entre classicisme et modernité. Chaud et humide, on vous disait. JE 25.07.13 – 19:00 – CLUB TENT

Paléo représente-t-il quelque chose pour toi, si oui depuis quand? (cite un concert s'il y en a un qui t'a marqué)

Je suis allé que très peu de fois au Paléo, et principalement pour faire le tour des stands bouffe, mais je suis très heureux de pouvoir y jouer cette année étant donné que c’est un festival très réputé.

De quel artiste te sens-tu le plus proche, dans la programmation de cette année?

Kadebostany. J’ai eu la chance d’être invité par le président dans un des nombreux studios de Kadebostanie, j’ai donc certaines affinités avec ce groupe.

As-tu la sensation qu'une scène suisse existe et te considères-tu que tu en fais partie?

Oui et non. Je pense qu’une scène Suisse existe, mais de manière générale ma musique a un retentissement beaucoup plus important à l’étranger, ce qui est assez normal étant donné que la scène beat/électro/hip-hop reste très confidentielle en Suisse.

THE LONESOME SOUTHERN COMFORT COMPANY- ballades folk mélancoliques. C’est parce que c’est mélancolique et délicat et qu’il faut être d’humeur un peu sombre. Préparez les mouchoirs, ça va être beau mais triste! MA 23.07.13 – 17:00 – CLUB TENT

Paléo représente-t-il quelque chose pour vous, si oui depuis quand? (citez un concert si vous le pouvez)

Paléo est le plus gros concert que l’on ait jamais fait, c’est un privilège de jouer là. Nous y sommes déjà venus, mais cette fois-ci, on sera sur scène, incroyable! En plus ce sera notre premier concert avec le nouvel album (The Big Hunt), et ce même si la sortie a seulement lieu en septembre.

De quel artiste vous sentez-vous le plus proche, dans la programmation de cette année?

Neil Young a été une de nos sources, c’est un de nos artistes préférés, alors jouer le même soir que lui, c’est vraiment fantastique. On espère vraiment pouvoir le rencontrer! Mais il y a pas mal d’autres musiciens qui jouent à Paléo cette année que l’on aime bien: Alt-J, Sophie Hunger, Two Gallants, Danko Jones, Sigur Ros, Nick Cave. C’est une super affiche, que demander de plus!

Avez-vous la sensation qu'une scène suisse existe et vous considérez-vous comme en en faisant partie?

C’est clair qu’il y a une scène Suisse, et c’est une scène géniale, je suis convaincu qu’il y a également un son Suisse. Je ne sais pas, mais parfois, sur certains disques, je peux entendre une certaine «suissitude» dans la façon dont le disque est joué et enregistré. Nous devons être fiers de notre scène. Dans nos chansons nous parlons souvent d’histoire et notre dernier album était intitulé Charles le Téméraire, (Duc de Bourgogne, tué par un hallebardier Suisse en 1477). Alors, je dirais que oui, nous appartenons à la scène Suisse.

HATHORS – rock énergique. Un ciel un peu couvert ne serait pas de trop pour éviter les grandes chaleurs, car il sera encore tôt quand Hathors viendront se défouler sur la scène du Détour. Histoire qu’on puisse danser à en perdre haleine sur leur college-stadium rock dégingandé. SA 27.07.13 –17:00 – LE DETOUR

Paléo représente-t-il quelque chose pour vous, si oui depuis quand? (citez un concert si vous le pouvez)

Les programmateurs du Paléo ont encore fait un super job cette année. Comme toujours, si j’en crois les affiches précédentes. Car figurez-vous que c’est notre premier Paléo! Difficile de citer tous les concerts que j’aimerais voir en cette édition 2013. Le samedi, The Animen et Navel. En plus on les connaît et ce sont des gars super. Si on arrive à venir le vendredi, bien sûr qu’on ira voir Nick Cave & The Bad Seeds. Et le show de Sigur Ros, annoncé comme très rock par rapport à leurs précédentes tournées, me dirait bien aussi.

De quel artiste vous sentez-vous le plus proche, dans la programmation de cette année?

Probablement les Smashing Pumpkins. Un groupe qui a été une énorme influence pour nous et qui est toujours dans notre top 10 d’artistes préférés de tous les temps... (mais je précise, jusqu’à l’album Zeitgeist). C’est un groupe que je peux écouter dans n’importe quel état d’esprit, je ne m’en lasse jamais. Ils devraient nous prendre comme première partie, tiens!

Avez-vous la sensation qu'une scène suisse existe et vous considérez-vous comme en en faisant partie?

Oui bien sûr ! Et le Röstigraben est définitivement brisé. Selon moi, il ne faut qu’une poignée de groupes pour créer une scène, et c’est ce qui se passe en Suisse depuis quelques années, notamment grâce aux réseaux sociaux qui permettent une collaboration presque instantanée. Et je dirais même plus, on sent que ce n’est plus «la honte» d’être un groupe suisse. J’ai d’ailleurs souvent l’impression, quand on joue à l’étranger que les groupes suisses sont très populaires. Et c’est vrai que la liste des excellents artistes suisses s’allonge toujours et encore. Je vous en recommande quelques-uns (mais dépêchez-vous de les voir en live avant qu’ils ne meurent tous à 27 ans): Peter Kernel, Disco Doom, Slag In Cullet, Astronauts Of Inner Space, Verwaltzen, Monoski, The Chikitas, The Forks, The Shit, Evelinn Trouble, Kruger, Monkey3.