Grant Hart
The Argument
Domino
Rock
22 - 07 - 13
par Gaspard Turin
Je dois confesser ici mon inculture: le nom de Grant Hart ne me disait, mais alors, strictement rien. J’aurais dû mieux écouter Hüsker Dü (dont l’homme est l’ancien batteur) dans les années 90, honte à moi. Impossible pour autant de croire, à l’écoute de The Argument, qu’il s’agit d’un nouveau venu: ces chansons rock élimées sentent la vie trop bien vécue, l’alcool consommé sans modération, les drogues dures, les galères, les rédemptions. Et ce disque en est une. Double album, où la profondeur des textes (inspirés du Paradis perdu de Milton) contraste avec la simplicité assez punk des chansons. Car celles-ci sont rudimentaires, parfois un peu trop. Exemple: prenez un sexagénaire aviné, indûment installé au bar d'une discothèque, qui viendrait dire à une jeune fille «Qu’est-ce qu’un petit ange comme toi fait si loin du paradis?»... C'est la chanson So Far From Heaven. On n’a pas exactement envie d’y reconnaître les immortels Vers du Poète. Sur (It Was A) Most Disturbing Dream), on croit entendre Ozzy Osbourne racontant à sa femme son dernier cauchemar, peuplé de hamburgers rassis et de pisse de chat. Mais sur ces vingt chansons, se trouvent de nombreux joyaux (la kinksienne Underneath The Apple Tree, les sublimes Is The Sky The Limit ou I Will Never See My Home Again. Ailleurs (If We Have The Will), la ressemblance de la voix de Hart avec celle de David Bowie est absolument bluffante, ou encore c’est Costello qui est convoqué (Letting Me Out). L’homme est caméléon, et plus qu’une plongée dans l’œuvre de Milton, c’est comme une histoire du rock décalée qui se déroule devant nous.