Stone Roses: They Are The Resurrection
par Julie Zaugg
Le choix du lieu a de quoi étonner. Pour leur premier concert depuis le milieu des années 90, lorsque le groupe s'est séparé, The Stone Roses a choisi le Hulstfred Festival en Suède. Ils feront ensuite une poignée de dates au Danemark et en Allemagne, avant d'effectuer leur véritable comeback fin juillet à Manchester. La ville qui les a vu naître et mourir, celle qui les a encensés comme des héros locaux et en a fait les porte-drapeaux de tout un mouvement, la Madchester.
Faut-il se réjouir de cette reformation? Sans doute pas. Déjà passablement abimés par un savant mélange de drogues et d'alcool dans les années 90, les quatre membres d'origine ont désormais des dégaines de vieux junkies. La voix faiblarde de Ian Brown n'a sûrement pas gagné en profondeur avec les années. Le guitariste John Squire a passé la dernière décennie à s'égarer dans une multitude de projets peu intéressants (qui se souvient de The Seahorses?). Seul le bassiste Mani semble avoir poursuivi un semblant de carrière en intégrant Primal Scream.
Alors pourquoi en parler? Eh bien tout simplement parce que le quatuor a produit, en 1989, l'un des meilleurs albums de sa génération. Intitulé The Stone Roses, cette collection de 11 titres a été à l'origine d'un son entièrement neuf, quelque chose qui a entièrement remis en question les codes en vigueur à une époque où l'industrie musicale britannique se remettait avec difficulté de sa gueule de bois post-80's. Fini la new-wave et ses diverses dégénérescences glam-rock, voici un groupe qui se proposait de réaliser un mariage improbable entre le rock et la dance music à coup de pilules d'extasy.
Sortir du cadre
La démarche apparaît sans doute le plus clairement sur Fools Gold (un titre qui ne figure pas dans la version initiale de l'album, mais uniquement sur sa réédition de 1991). Un morceau groovy où basse, batterie et guitare s'associent pour casser le cadre rigide imposé (auto-imposé?) jusqu’ici à la chanson rock. Des titres comme I Wanna Be Adored, She Bangs The Drums, Elephant Stone et I Am The Resurrection ont pour leur part marqué l'histoire de la musique par leur brillance mélodique, et ont plutôt bien vieilli. En 2006 encore, les lecteurs du NME élisaient The Stone Roses meilleur album britannique de tous les temps.
Plus subtils que les Happy Mondays (qui se reforment aussi, soit-dit en passant, et se produiront en première partie des Stones Roses ces été), moins anecdotiques que The Inspiral Carpets, plus originaux que The Charlatans, moins mainstream que James, The Stone Roses ont rapidement pris une toute autre ampleur que les autres formations qu'il côtoyaient à l'époque où la Madchester était sur toutes les lèvres et où le club The Haçienda organisait des soirées d'anthologie au coeur de la ville post-industrielle qui vivait son «Second Summer of Love». Le statut légendaire du groupe a été cimenté par une série d'apparitions live devenues mythiques, comme leur concert en plein air en mai 1990 à Spike Island. Cet évènement qui a attiré 27'000 personnes est considéré comme «le Woodstock de la génération baggy».
Absence de cinq ans
Malheureusement, les Mancuniens n'ont pas su capitaliser sur leur succès. Ils ont virtuellement disparu de la circulation pendant cinq ans, après avoir quitté leur label Silvertone pour Geffen. Le groupe a notamment passé 347 jours enfermé dans les studios Rockfield au Pays de Galles. La légende veut qu'ils y aient consommé de copieuses quantités de drogues, mais n'aient pas fait beaucoup de musique - un peu à l'image du malheureux séjour à la Barbade des Happy Mondays qui a contribué à couler le label Factory Records.
Lorsque Second Coming sort en décembre 1994, plus grand monde ne s'intéresse aux Stone Roses. La britpop est passée par là et ce disque lourdingue au son bluesy ne colle plus du tout à l'esprit du temps. A part le semi-correct Love Spreads et le joli mais peu caractéristique Your Star Will Shine, ce deuxième et dernier essai n'a pas grand chose à offrir. D'ailleurs le groupe risque bien de passer dessus comme chat sur braise cet été lors de sa reformation. Il y a fort à parier qu'il se contentera de jouer des titres issus de son premier album et de ses premiers singles. A moins qu'il ne décide de donner au public un aperçu de ses nouvelles chansons. Car rien ne nous sera épargné: les Mancuniens ont d'ores et déjà annoncé la sortie d'un nouveau disque cet automne...
"Le meilleur album britannique de tous les temps"